De la gouaille et des mots

Il s’avançait, flamberge au vent, à la rencontre de travailleurs exacerbés. Il pratique d’habitude la langue soutenue des habitués du sérail. Langue policée, langue subtile de l’exactitude au service de la clarté. Le peuple accepte l’élévation du langage même s’l ne lui est pas familier. Elle ne compte pas pour rien dans cette distance, du fort au faible, du hiérarque au serviteur, du chef au subordonné, qu’on nomme prestige et d’où vient que celui-ci se dispose à accepter la suprématie de celui-là.

Le hiérarque croit-il être mieux obéi quand il adjure le plus faible « d’arrêter de foutre le bordel »? Celui-ci  lui crie en retour:  » Cessez de nous emmerder! ». L’un et l’autre se ramassent dans le ruisseau de la grossièreté et la république éclaboussée n’est plus bien respectée. La langue est une culture, elle a ses normes, ses proportions, ses occurrences, ses opportunités. Ses forces vives sont dans la forme. Lorsque le verbe tangue, l’incompréhension se répand en discorde et l’Etat dégénère. Honneur au beau langage!

 

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Les gens et le Peuple (Mélenchon vs Le Pen)

Il parle « aux gens », les gens l’écoutent. Il leur demande de faire silence, et ils se taisent, instantanément.

Parler aux gens n’est pas parler au peuple. Un peuple n’écoute pas, à la rigueur il pense, mais la pensée s’efface, rentré chez soi. Les gens, c’est toi, mon partenaire direct, charnel, immédiat. Et quand je t’interpelle, toi,  » les gens » , du captes le souffle qui m’emporte vers toi sans le truchement de la pensée abstraite. Un peuple se fige dans la pensée qui le conçoit, mais s’il se meut, ce sont les gens, amis directs suspendus à la parole comme à la parabole, verbe vivant incrusté dans la chair.

Qui sait parler aux gens peut se passer du Peuple, boursouflure de pensées empesées, éolienne fatiguée de penseurs à bout de souffle, moulin à vent.