De la violence faire aux hommes

Elles se proclament libres et détachées des convenances, dénudées de la chevelure au talon, délurées et offertes indifférentes à l’indiscret regard du passant, et lui les croit offertes. Cet effet de l’attraction universelle, qu’on nomme attirance ou désir, le persuade de leur offrir le bras, davantage si possible, mais elles résistent et s’indignent et tout au fond d’elles-mêmes refusent la chance, c’est à dire le risque du fruit. Il ne sera pas dit que leur ventre soit ouvert. Alors, il n’y comprend rien, son regard se durcit. Procréatrice par instinct, sa nature se révolte, la vierge lui fait offense, il la lui faut. Ainsi s’efface le galant, le chevalier, il devient le balourd, le grossier, l’indigne, gibier de potence. L’indignation s’étend et s’enfle, médiatiquement. Méfiance, une chasse est ouverte.

Qui osera chanter désormais la romance du harcèlement religieux, la dévotion quasi mystique de l’assaillant hanté d’amour, de Solal au plus près de la perverse Ariane, Belle du Seigneur ô combien conquise et puis détruite par l’amour même, celle de François vainqueur persévérant d’Anne, l’agnelle pieuse et prude révélée par ses lettres insistantes. L’une et l’autre asservies dans la gloire, mais on sait de reste qu’il n’est de servitude que volontaire. Louange à toi, Seigneur et souverain bien, un amour est né que le souvenir n’éteint pas.

Ô triste monde médiatique, celui dans lequel les enfants ne pourraient plus jouer à Colin-Maillard innocemment!

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Guerre ou culture, il faut choisir

Un chef de guerre s’émeut parce que son prince lui rogne son budget. Il a raison si à ce prix la victoire est compromise. Le prince aurait pu préférer rétrécir une autre dépense. Celle de la culture, par exemple, parmi celles qui s’offraient à son choix. Que diraient alors les doctes? Il faut bien soutenir aussi leur train. On ne peut à la fois les chérir et caresser les chefs des armes. Entre les armes et la loi, la loi commande, et le destin du prince est en jeu.

La sagesse des Anciens a montré que les plus forts guerriers se gardaient parfois de poursuivre le châtiment des vaincus dans la destruction des oeuvres de leurs arts, soit en abattant leurs temples, soit en livrant leurs livres au feu. Car mieux valait les entretenir dans les grâces de l’ esprit et, ainsi amollis, conserver sur eux leur empire. Combien stupides à ce compte auront été les destructeurs de Mossoul ou Palmyre!

Stupides et non moins criminels car, à l’inverse, on ne vantera jamais assez  le protecteur des arts, par quoi les civilisations progressent vers leur plus grande perfection, et la paix véritable est au bout du chemin. Gloire au prince dont le choix conduit à l’effort conjugué des guerriers et des doctes. Puissent ses peuples solidaires en saisir la nécessité.

Michel Onfray a tort

Michel Onfray a tort (« Décadence », Flammarion, janvier 2017). Non, il n’est pas vrai que les civilisations soient mortelles, la nôtre, dite judéo-chrétienne, en particulier. Pour être mortelles, il faudrait d’abord que l’homme le fût, et en chair et en esprit. Or, ce n’est pas établi.

Michel Onfray pose cette prémisse: « Dès qu’un enfant naît, il est déjà vieux pour mourir » Et d’embrayer allègrement sur la définition « vitaliste » de la vie, proposée par Bichat, d’après laquelle la vie serait « l’ensemble des forces qui résistent à la mort ». Il conclut: « Une civilisation vit tant qu’elle résiste à ce qui veut sa mort » (interview du Figaro, 6 janvier 2017). Ce vitalisme débilitant de la mort promise sans rémission, est une erreur.

Loin d’être donnée pour mourir, la vie est donnée pour vivre, et vivre, c’est vouloir vivre, un donné consubstantiel de l’être qui pousse le vivant, éternellement, à persévérer dans l’être, à croître, à s’élever, à s’accomplir, à procréer, planter, ensemencer, enseigner, transmettre, transformer, transfigurer, renaître, éternellement. Tel est le désir puissant de l’être, énergie, amour, attraction de et vers l’universel reconstitué, indéfiniment reconduit jusqu’à l’un originel. La mort n’existe que comme l’instantané provisoire de  » la vie en transition vers la vie…effet puissant et immédiat de l’énergie qui pousse les êtres les uns vers les autres, non pour les détruire, mais pour se nourrir et s’enrichir mutuellement de leurs dons » (Octogénèse, Partie V).

Pareillement, toute civilisation se recueille en celle qui renaît d’elle, recomposée d’âge en âge dans l’Esprit immanent de l’être toujours vivant. Dès lors, chaque civilisation est avatar de celles qui la précèdent. Nous sommes tous des Sumériens.