Un chef de guerre s’émeut parce que son prince lui rogne son budget. Il a raison si à ce prix la victoire est compromise. Le prince aurait pu préférer rétrécir une autre dépense. Celle de la culture, par exemple, parmi celles qui s’offraient à son choix. Que diraient alors les doctes? Il faut bien soutenir aussi leur train. On ne peut à la fois les chérir et caresser les chefs des armes. Entre les armes et la loi, la loi commande, et le destin du prince est en jeu.
La sagesse des Anciens a montré que les plus forts guerriers se gardaient parfois de poursuivre le châtiment des vaincus dans la destruction des oeuvres de leurs arts, soit en abattant leurs temples, soit en livrant leurs livres au feu. Car mieux valait les entretenir dans les grâces de l’ esprit et, ainsi amollis, conserver sur eux leur empire. Combien stupides à ce compte auront été les destructeurs de Mossoul ou Palmyre!
Stupides et non moins criminels car, à l’inverse, on ne vantera jamais assez le protecteur des arts, par quoi les civilisations progressent vers leur plus grande perfection, et la paix véritable est au bout du chemin. Gloire au prince dont le choix conduit à l’effort conjugué des guerriers et des doctes. Puissent ses peuples solidaires en saisir la nécessité.