Plaisante justice…

« Plaisante justice qu’une rivière borne, s’écriait Pascal. Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà! »

Plaisante justice qu’aucune rivière ne borne, oserait-on dire aujourd’hui! Peut-on observer sans effroi l’intrusion d’un procureur dans l’enceinte d’une Assemblée souveraine, un juge s’immiscer dans le déroulement de l’élection au pouvoir suprême? Nantis par l’Etat en ses conseils d’une autorité qui prétend n’avoir de  compte à rendre qu’à soi-même, voici qu’un procureur, des juges d’instruction s’arrogent un pouvoir autonome à l’égal de ceux, exécutif et législatif, auxquels seuls la Constitution l’a souverainement conféré.

On cherchait furieusement à la fin du dernier siècle la recette fameuse qui mettrait la justice, juges et procureurs solidaires, à l’abri des pressions du pouvoir (v. Jean-Louis Delvolvé, « Pour un véritable ministre de la justice », Le Monde, 22 janvier 1997). Non seulement on ne l’a pas trouvée, mais encore la question bascule désormais dans l’autre sens: comment faire en sorte que l’autorité judiciaire ne déborde pas de l’autorité que la Constitution lui a concédée?

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L’affaire Justice c/ Parlement

La souveraineté du peuple exige que l’élu soit pleinement assuré d’exercer son mandat sans entrave et en toute liberté. C’est à l’élu d’abord, en conscience, au Parlement dont il relève, ensuite, et au peuple souverain en dernière analyse qu’appartient le jugement qu’on est en droit de porter sur son comportement en tant que représentant du peuple. Nul autre ne saurait s’immiscer dans la conduite de sa fonction, lui demander compte de son dévouement à sa tâche, de son assiduité, de ses moyens d’exécution. Qu’une Assemblée ou un Sénat le dote d’un budget particulier pour l’assister dans sa tâche, seul celui-ci ou celle-là est en droit de lui en demander raison et, en dernier ressort politique, le peuple dont il est l’élu.

Sauf à miner la souveraineté du peuple et la Constitution dans leurs fondements, l’autorité judiciaire ne saurait, à peine de forfaiture, s’arroger  le droit de surveiller, de poursuivre et encore moins de punir l’élu à raison même de l’exercice de sa mission. Toute mise en examen de ce chef est inconcevable.

Tel doit être le discours du droit. Celui de la morale est d’un autre langage.