Le dit de Séverin

Je suis un homme des bords de Loire. Angevin, tourangeau, je ne sais pas exactement. Peut-être un peu poitevin. Monsoreau, l’endroit où je suis né, est dans une terre de confluences. Il n’est pas loin de Chinon, la vieille ville du roi Charles, de là reconduit jusqu’au sacre par Jehanne la bonne lorraine. Je crois bien que c’est dans ces temps et parages-là que s’est forgée la conscience française, longtemps avant sa construction savante en nation française par les légistes des anciens et des nouveaux régimes. Comme tous les Français, je me sens d’abord né natif de mon coin, français de cœur, chauvin de naissance. Bi national en quelque sorte. Cela compte de nos jours. Personne n’oublie jamais sa première appartenance, la contrée de son origine. Otez-moi de la nationalité française, je resterai malgré tout angevin, parisien ou gascon, c’est selon. Par atavisme, par droit de mémoire, par fierté et par goût.  Pays, dépaysement, en somme, rien n’est simple. Les politiciens, les hommes de loi qui, ces derniers temps persistent à disserter à propos de nationalité feraient bien d’y regarder de près avant de trancher encore d’acquisition, de déchéance ou de perte. A force de raffinements ne vont-ils pas réduire à rien le sentiment national et reconduire les Français à un repli renfrogné sur leurs petites boutiques, dédaigneux, de proche en proche, de leurs voisins, de leurs cousins et, à la fin, de leurs propres frères ? Et ne vont-ils pas s’aliéner à jamais ceux qui, étrangers d’origine, avaient eu dessein, devenus Français, d’ajuster leur propre chauvinisme à la matrice nationale ? Algérien et français, serait-ce inassimilable?

 

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