Et ce sein que tu caches, est-ce que je ne le vois pas? Tartuffe se découvre dans l’affichage, le dévoilement, la transfiguration. Tartuffe aujourd’hui veut toute la femme, inclusive dans l’homme, et que cela se voie. D’un point entre deux signes, il prescrit de montrer dans l’écrit, au-delà du rédacteur . e, le tout de l’homme et de la femme y incluse. Ainsi le voudrait, paraît-il, la fièvre féministe. Et après? Quand j’aurai ponctué cent fois et plus l’apparition de l’incluse dans l’expression de mon verbe, en quoi aurai-je fait progresser la cause de la femme, démontré qu’elle est décidément l’égale de l’homme? N’aurai-je pas au contraire souligné un état d’infériorité qui, loin d’être laissée dans l’ombre, serait au contraire affichée par ce point? Montrez-moi donc entier, sans vain détour d’un signe superflu, ce sein que votre point révèle. Laissez-moi l’honorer à ma guise, selon ce que ma langue me dicte dans son dit naturel.
Réflexions
Le dit des grincheux (une heure et quart de conférence de presse pour rien)
Nous étions trois au centre, préposés au médire, chausse-trapeurs, guetteurs de faux pas. Trois piètres sires, trois figures du Médiocre ambiant. Trois figurants de la zone médiatique, truchement supposé accoucheur de la parole impériale mais incapables d’en placer une, rabâcheurs de poncifs imbéciles (ô président des riches! ô diseur de gros mots!), impuissants. Sans rire, nous étions la Presse en Conférence! Nous fûmes des faire-valoir ne pouvant servir à rien. Il est qui il est, et nous sommes si peu. Nous nous sommes laissé vaincre par le verbe, le savoir, la compétence suffisante. Et nous osons proclamer désormais que le prince ne sait pas convaincre! Pardi, nous sommes restés quasiment cois, n’ayant rien de sérieux à dire, rien de substantiel à objecter. Se pourra-il jamais que nous devenions amis? Il faudrait peut-être d’abord que nous devenions journalistes.
Catalogne- Espagne: 0-0
Un fils bien né demandait à son père sa liberté: » J’ai à présent l’âge de voler de mes propres ailes, s’il te plaît délivre-moi de ta tutelle; donne-moi dès à présent ma part et je me ferai ma place à moi dans ma vie que tu n’as que trop gouvernée; et puis mes frères se débrouilleront bien sans moi ». Le père n’est pas trop sage d’accéder à son gré. Le fils s’éloigne, vaille que vaille prend de l’essor dans ses montagnes loin du père, surmonte maints obstacles mais à la fin succombe dans un cataclysme qui le dépasse et tout est emporté, plantations et paillotes, batardeaux propices à contenir les eaux tumultueuses, veaux, vaches, cochons, couvées et jusqu’aux chiens fidèles gardiens du troupeau.
Le fils retourne à son père. N’eût-il été que prodigue, le père l’eût accueilli sans lui demander compte. Ainsi le veut la fable sainte. Si ce fier catalan, demain s’en revenait vers l’Espagne qu’il nourrit, le roi le renverrait-il, comme font les rois là-bas, pour cause de médiocrité? En attendant, il se range à la semi-liberté tutélaire. Les siens maugréent. Ont-ils raison ou tort, chiens trop courts de collier?
De la gouaille et des mots
Il s’avançait, flamberge au vent, à la rencontre de travailleurs exacerbés. Il pratique d’habitude la langue soutenue des habitués du sérail. Langue policée, langue subtile de l’exactitude au service de la clarté. Le peuple accepte l’élévation du langage même s’l ne lui est pas familier. Elle ne compte pas pour rien dans cette distance, du fort au faible, du hiérarque au serviteur, du chef au subordonné, qu’on nomme prestige et d’où vient que celui-ci se dispose à accepter la suprématie de celui-là.
Le hiérarque croit-il être mieux obéi quand il adjure le plus faible « d’arrêter de foutre le bordel »? Celui-ci lui crie en retour: » Cessez de nous emmerder! ». L’un et l’autre se ramassent dans le ruisseau de la grossièreté et la république éclaboussée n’est plus bien respectée. La langue est une culture, elle a ses normes, ses proportions, ses occurrences, ses opportunités. Ses forces vives sont dans la forme. Lorsque le verbe tangue, l’incompréhension se répand en discorde et l’Etat dégénère. Honneur au beau langage!
De la rue avant toutes choses
C’est par la rue que toute opinion commence. De bonne heure, l’homme se lève pour aller chercher son pain ou son croissant. Rue, ou comptoir du zinc, c’est tout un. Ici affluent les premières nouvelles, s’échangent les premières impressions, naissent les premiers émois de la cité qui s’éveille. Tantôt les radios amplifieront la portée des nouvelles, le trottoir les colportera. Quelques uns s’assemblent au coin de la rue, au carrefour proche. Un cortège, peut-être, va se porter vers la mairie ou le commissariat. Ce qu’on apprend est-il vrai, est-il seulement plausible? S’il vous plaît, informez-nous. Nous sommes à l’écoute et nous y resterons autant qu’il faudra, jusqu’à ce que, apaisés, nous puissions rentrer à la maison. La rue nous appartient tout d’abord. Elle ne sera jamais à vous qu’épisodiquement, et à seule fin que vous nous assuriez de sa possession calme et paisible. Vous pouvez bien retourner à vos palais Nous ressortirons à notre aise si votre démocratie a le moindre sens.
Pitié pour les végétaux!
La média sphère est remplie des criailleries de la gent végétarienne. Ne voilà-t-il pas qu’une « végan » montée à bloc dénonce à voix d’orfraie « l’holocauste » de l’animal par l’homme, cet usurpateur arrogant, ce satrape totalitaire qui s’est arrogé le droit de sacrifier de la chair pour se nourrir? (C Politique, France 3, 10.9.17). La péronnelle s’attaque violemment au génocide, proclame qu’on doit cesser de manger de la viande, et ose appeler cela philosophie. Le penseur de service à l’antenne en est resté pantois.
Pourtant, ceux de son espèce semblent moins se soucier de la consommation des poissons, moins encore de celle des insectes dont l’industrie annonce l’élevage suivi de destruction massive pour la survie de l’homme, après trituration dans les marmites de la nouvelle cuisine.
Mais qui dira la désolation de la rose assassinée pour l’ornement de nos jolis bouquets, la douleur de la pomme que l’on cueille, de la laitue qu’on arrache, de céréales,blé, riz et maïs confondus, base élémentaire de notre nourriture? Le crime serait-il moindre de les consommer pour ne percevoir aucun murmure de leurs arrachements?
Ne faudra-t-il pas qu’un jour l’homme cessât de manger? Ainsi renaîtrait l’Eden des premiers jours. On ne saurait imaginer le retour des dinosaures…
Les oies cacardent
Les oies du Capitole occupent les parapets. Par tous les créneaux, elles lancent leurs appels cacophoniques à l’éveil des bonnes consciences. Rome n’est plus dans Rome, elle est là-haut, toute où elles sont. Pas un mot, pas un son, pas le souffle du soupir d’une oeuvre qui ne soit pesé, soupesé, scruté, passé au crible de la bien-pensance par les oiseaux noirs des remparts. Osai-je dire que Fréron est un fripon, je puis bien m’appeler Voltaire, une oie cacarde et me fait jeter en prison. Il paraît que telle chose ne se dit pas, que le propos est clivant, méprisant, discriminatoire, qu’il choque l’humanité puritaine de la société rigoriste des Plenels et Bayrous. Et pourtant, Fréron est un fripon. De même pourrais-je encore dénoncer l’ardeur de ceux qui voudraient m’interdire de penser comme jadis d’anciens préfets, de la gent des cagots, voulaient m’empêcher de danser au village d’Azai? Voltaire, Paul-Louis Courier, Léautaud, le Debré du Courrier de la Colère, les grands polémistes devront bientôt se taire devant le zèle des tyrans de la bonne opinion. Assez, et que le bon peuple gouverne!
Août, mois de l’Auguste
Emmanuel-Octave a le teint frais, la mine ouverte, le nez droit, la joue rasée de frais, il offre à ses peuples épars l’élan et la fringance, le sérieux d’un regard bleu, le fin sourire de la pensée souple, malléable et maîtrisée. Il ne laisse à personne le soin de lui sculpter un buste. Ni Michel-Ange, ni Canova, un quelconque Rodin pas davantage: Emmanuel-Auguste naîtra naturellement de sa preste cambrure, quand, lâchant à point nommé le coup de son pied sûr, il projettera jusqu’au ciel étonné l’exquis plaisir du coup au but.
Il n’en est pas encore là, mais s’y prépare. Pour l’heure, Octave est au repos. Octave réfléchit. Octave laisse à ses proches le soin de parler pour lui, à son épouse la présence et le paraître, à ses généraux l’action sur le terrain. Les jours passent, le peuple attend le jour de son réveil qui sera aussi le sien. Les chiens des Augures sont à l’arrêt, truffes ouvertes à tous les vents. La chasse devrait ouvrir incessamment.
Ornières
Le temps approche où Monsieur le Maire n’aura plus de goudron pour boucher les vilains trous de ses chemins, plus de bitume pour lisser ses trottoirs, plus de sable, plus de chaux, plus de plâtre pour rénover les murs de ses bâtiments. La taxe d’habitation abolie le livre aux hasards de la finance. A demain la corvée des villageois? Honneur au cantonnier de jadis « qui cassait et qui cassait des tas de cailloux », on se souvient de la chanson. Monsieur le Maire n’a plus d’argent. Son ministre pas davantage.
L’ornière fait sursauter. On appelle cahots les soubresauts des voitures dont les essieux se cassent et le voyageur s’y rompt le dos. On voyagera demain dans la douleur. Voyager? Mais vous n’y pensez pas! Quel besoin de voyager quand tout vous astreint à reposer dans votre chambre, la main assujettie aux doigts qui courent sur votre clavier, l’œil rivé à votre écran, l’auriculaire à l’oreillette, et le reste du monde est là, aux ordres de Monsieur, au service de Madame? La route est désertée et la poste est muette. Il n’y a plus de vie qui vaille que sur les réseaux sociaux. On n’écrira plus non plus.
Qui pourra faire que du tweet ou de l’email surgisse le chef d’oeuvre, ou même tout bonnement le clin d’œil d’un brin d’esprit ou de conversation? Rappelons-nous la Sévigné, « blonde rieuse, nullement sensuelle, fort enjouée et badine » (Sainte-Beuve). Elle voyageait peu, mais sa main, son esprit voyait tout, à courte et longue vue. De ses lettres vives et tendres a jailli un art de vivre et de le dire, un savoir-vivre, à distance des vivants mais encore tout près d’eux, et sa chère fille avant tous. Mais la distance, maintenant, elle aussi, est abolie. L’autre est désormais trop près de ma vue, de mon oreille, pour que me prenne le désir de lui parler et de l’entretenir à loisir, légèreté ou profondeur. Nous n’avons pas le temps. Si près de moi, je le perds de vue. Une ornière béante s’est ouverte dans le néant de l’espace et du vide, entre zéro et un, et je m’y romps, os et carrosse.
Guerre ou culture, il faut choisir
Un chef de guerre s’émeut parce que son prince lui rogne son budget. Il a raison si à ce prix la victoire est compromise. Le prince aurait pu préférer rétrécir une autre dépense. Celle de la culture, par exemple, parmi celles qui s’offraient à son choix. Que diraient alors les doctes? Il faut bien soutenir aussi leur train. On ne peut à la fois les chérir et caresser les chefs des armes. Entre les armes et la loi, la loi commande, et le destin du prince est en jeu.
La sagesse des Anciens a montré que les plus forts guerriers se gardaient parfois de poursuivre le châtiment des vaincus dans la destruction des oeuvres de leurs arts, soit en abattant leurs temples, soit en livrant leurs livres au feu. Car mieux valait les entretenir dans les grâces de l’ esprit et, ainsi amollis, conserver sur eux leur empire. Combien stupides à ce compte auront été les destructeurs de Mossoul ou Palmyre!
Stupides et non moins criminels car, à l’inverse, on ne vantera jamais assez le protecteur des arts, par quoi les civilisations progressent vers leur plus grande perfection, et la paix véritable est au bout du chemin. Gloire au prince dont le choix conduit à l’effort conjugué des guerriers et des doctes. Puissent ses peuples solidaires en saisir la nécessité.