Vitesse et bon savoir

Ce matin-même, l’enfant douée qu’on embarque dans le nouveau TGV de Paris à Bordeaux va franchir en deux heures 500 kilomètres de culture multi séculaire: Ile de France et Val de Loire, Touraine et Poitou, les terres de l’Angoumois, vignobles, terroirs sans pareils, lumière du grand ouest ouvert au large. Que va-t-il lui rester d’autre que la mémoire du vent torturé par la secousse du train? Un grain de pluie, peut-être, glissant sur la vitre condamnée, un regard fugace sur les collines arasées, à peine entre aperçues de loin et déjà effacées, pas la moindre idée de la vie d’une ville traversée, Tours, Poitiers, Angoulême sous ses yeux abolies. Et elle ne saura rien du domaine qui s’étend au loin aux abords d’une belle rivière, ni du charroi et du paysan son maître, son compagnon, bloqués sur un bout de route par un passage à niveau fugitif, ni du modeste clocher niché dans son village, non plus que de la pierre romane des prieurés, ni du silence, ni de la sérénité, vertus premières du bon savoir.

Et si elle s’est prise à lire, elle fermera son livre à peine entre ouvert. Quoi lire, qu’à peine assis on doive se lever, prendre son sac et gagner le quai? A Bordeaux sans doute, elle s’ouvrirait au rêve d’apprendre à vivre. Mais déjà, il lui faut repartir.

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